Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon.-Jack London -

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Le crimeArni Thorarinsson Traducteur : Eric BouryMétailiéISBN :  9791022601719144  pagesParution : 04/02/2016













Le 29 janvier 2016








Construit avec beaucoup de maîtrise, ce court roman noir se lit d'une traite. Saisi par la tension , très puissante dans la 1ère partie du livre, exalté par les ellipses volontaires, un rythme vif et une tonalité presque lyrique,  surpris par une image peu séduisante de l'Islande, plus proche de la banlieue sordide que des paysages sauvages et préservés, imprégné et décontenancé par les différents points de vue narratifs, bouleversé par la souffrance intime de chaque personnage, le lecteur est happé par cette histoire,  avec une force inattendue. Comme interpellé.
Au-delà de l'intrigue et d'un effet de surprise qui le captivent d'emblée, il est en effet, de manière plus surprenante encore et presque malgré lui, conduit  brusquement à explorer sa conscience, à l'instar des personnages, et à s'interroger (à échanger même, au-delà du livre) sur le drame familial que bâtit avec réalisme, Arni Thorarinsson.
Un psychologue en proie à des cauchemars, désabusé et seul. Une jeune fille, Frida, révoltée et paumée,  fragile et vulnérable, à l'aube de ses dix-huit ans. Une femme alcoolique et désespérée, vidée de toute dignité, perdue elle-même. Ces personnages composent une famille autrefois heureuse, anéantie brutalement par une révélation insoutenable dont Frida ignore tout.
Une destruction violente, un irrépressible sentiment de culpabilité  qui ont entraîné le chaos dans la vie de chacun, la séparation brutale. Sans explication, sans avoir accès à la vérité, Frida a tenu, sur un fil, sans estime,  juste avec la promesse que lui ont faite ses parents de lui révéler l'origine du gâchis, à ses dix-huit ans.
Le jour est arrivé et aucun des deux ne semble pouvoir tenir sa promesse…
Par une alternance des trois points de vue, tous liés intimement les uns aux autres, en correspondance très intime,  (où les mots de chaque fin de chapitre se répètent dans le début du suivant, comme pour atténuer la rupture, la rendre illégitime), l'histoire est un poignant récit d'amour, au-delà de l'horreur  et de la douleur qu'elle a fait naître ensuite, interroge aussi sur la nécessité de la vérité. "Le mensonge rend la vie supportable et, parfois, la vérité détruit tout."
Tragique, il laisse le lecteur démuni, en pleine désolation, impuissant, entre effroi et compassion, confronté à une société islandaise qui  semble avoir perdu tout crédit ; il est incapable même de ressentir le soleil et la douceur printanière de cette journée qui, telles une opposition féroce et cynique, imprègnent cette terrible histoire. Ecartelé entre les choix et les convictions des trois personnages, ses certitudes vacillent. Troublé pour longtemps.



Cécile PELLERIN