Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon.-Jack London -
Homme sans mémoire, il erre sur ce territoire sauvage, entre mer et tourbe, et peu à peu, au fil des événements et rencontres, sous une menace incessante impossible à maîtriser, il reprend sa vie en mains et lutte pour ne pas la perdre de nouveau.
Au même moment, une jeune adolescente, Karen, mal à l'aise dans l'existence qu'elle mène, "une petite garce rebelle chamboulée par ses hormones", fuit le domicile familial. Une quête initiatique qui la mènera vers l'âge adulte et vers Neal, l'homme sans passé.
Deux explorations identitaires indissociables, (l'une néanmoins plus convaincante que l'autre), racontées en alternance, apportent à l'intrigue un certain rythme, quelques rebondissements (mais l'essentiel est ailleurs, vraiment !). L'anxiété du héros amnésique est parfaitement bien retransmise au lecteur, alors déstabilisé par la propre méconnaissance du personnage, sans réelle prise sur les événements à venir. Quant au policier qui mène l'enquête, l'inspecteur Gunn, personnage secondaire, il séduit par sa justesse.
Mais la puissance romanesque de ce récit s'exprime principalement dans l'attention portée à la nature, dans la précision et la beauté des descriptions de l'environnement. Ainsi, à sa manière (avec grâce et humanité) Peter May mène un combat écologique près duquel le lecteur s'engage aussitôt et sans résistance. Porté par la littérature, il n'a nul besoin de discours politique.
Cécile PELLERIN
Ici et ailleurs, certaines abeilles perdent leur mémoire olfactive. Sur l'île de Harris, sur la plage de Luskentyre, Neal, l'homme qui reprend connaissance ne se souvient de rien, lui non plus. Ni qui il est, ni d'où il vient, ni où il est, ni ce qu'il fait. "Je ne saurais trouver les mots pour décrire le sentiment de déconnexion que peut provoquer le fait de se voir sans se reconnaître". C'est dans cet état de confusion extrême, entre désespoir et rage, qu'il se met en quête de lui-même. Là-bas, au loin, à quelques encablures, étrangement, le phare des îles Flannan semble l'appeler alors qu'à deux pas de chez lui, un vieil homme solitaire ne cesse de l'observer à travers ses jumelles.
"Je suis le vide qui reste quand les souvenirs sont effacés […] Je suis une île perdue."
Cécile PELLERIN
Les disparus du phare Peter May Traducteur : Jean-René DastugueLe RouergueISBN : 9782812610646Parution : 01/06/2016320 pages
Le 20 mai 2016
Vous y êtes ! Dès les premières pages, le goût du sel, le sable de la plage, l'humidité et le froid vous pénètrent. Presque frissonnant, un peu fébrile, vous voilà d'emblée saisi par le ressac de la mer sombre, le vent qui tournoie et vous emporte presque. Familières pourtant depuis La trilogie écossaise et L'île du serment, les Hébrides extérieures surgissent sous vos yeux, empreintes du même mystère, de la même beauté, de la même force magnétique (presque magique) que lors de votre première découverte (L'île des chasseurs d'oiseaux, 2009). Une emprise envoûtante et rare. Aussi méfiez-vous ! Si vous n'avez pas encore cédé à l'envie de voyage, aussitôt le livre refermé, elle risque bien de devenir obsédante. Et parfaitement à propos, puisque l'été arrive.
Avec une volonté de divertir, il y a chez Peter May, comme la nécessité également d'éveiller notre conscience, de nous alerter sur les dérives d'un monde devenu complètement fou et incontrôlable, obnubilé par le profit et la démesure, en passe de s'autodétruire, s'il ne retrouve pas un peu de "bon sens" écologique.
Une sensibilité très personnelle s'immisce habilement au cœur d'une histoire à la fois intime, universelle et légendaire, entre réalité et imaginaire, toujours proche du lecteur, même lorsqu'elle aborde des théories scientifiques.
Une écriture délicate, capable de protéger le lecteur des violences qu'elle met en scène ; expressive et grandiose lorsqu'il s'agit de décrire les paysages insulaires (merci au traducteur) ; inoubliable alors et intensément poétique.
"La tourbière s'étend dans toutes les directions, aussi loin que porte le regard [...] A l'extrême sud, les montagnes de Harris se devinent à peine sur l'horizon […] On voit l'Atlantique se lancer avec fureur contre la côte ouest dans un bouillonnement d'écume blanche soulevée dans les airs par un vent rageur qui a traversé près de cinq mille kilomètres d'océan sans rencontrer d'obstacle."
Ici et ailleurs, certaines abeilles perdent leur mémoire olfactive. Sur l'île de Harris, sur la plage de Luskentyre, Neal, l'homme qui reprend connaissance ne se souvient de rien, lui non plus. Ni qui il est, ni d'où il vient, ni où il est, ni ce qu'il fait. "Je ne saurais trouver les mots pour décrire le sentiment de déconnexion que peut provoquer le fait de se voir sans se reconnaître". C'est dans cet état de confusion extrême, entre désespoir et rage, qu'il se met en quête de lui-même. Là-bas, au loin, à quelques encablures, étrangement, le phare des îles Flannan semble l'appeler alors qu'à deux pas de chez lui, un vieil homme solitaire ne cesse de l'observer à travers ses jumelles.
"Je suis le vide qui reste quand les souvenirs sont effacés […] Je suis une île perdue."
Homme sans mémoire, il erre sur ce territoire sauvage, entre mer et tourbe, et peu à peu, au fil des événements et rencontres, sous une menace incessante impossible à maîtriser, il reprend sa vie en mains et lutte pour ne pas la perdre de nouveau.
Au même moment, une jeune adolescente, Karen, mal à l'aise dans l'existence qu'elle mène, "une petite garce rebelle chamboulée par ses hormones", fuit le domicile familial. Une quête initiatique qui la mènera vers l'âge adulte et vers Neal, l'homme sans passé.
Deux explorations identitaires indissociables, (l'une néanmoins plus convaincante que l'autre), racontées en alternance, apportent à l'intrigue un certain rythme, quelques rebondissements (mais l'essentiel est ailleurs, vraiment !). L'anxiété du héros amnésique est parfaitement bien retransmise au lecteur, alors déstabilisé par la propre méconnaissance du personnage, sans réelle prise sur les événements à venir. Quant au policier qui mène l'enquête, l'inspecteur Gunn, personnage secondaire, il séduit par sa justesse.
Mais la puissance romanesque de ce récit s'exprime principalement dans l'attention portée à la nature, dans la précision et la beauté des descriptions de l'environnement. Ainsi, à sa manière (avec grâce et humanité) Peter May mène un combat écologique près duquel le lecteur s'engage aussitôt et sans résistance. Porté par la littérature, il n'a nul besoin de discours politique.