Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon.-Jack London -

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Un funambuleAlexandre SeuratRouergueISBN :  978281261508585  pagesParution : 03/01/2018













Le 06 février 2018








Alexandre Seurat écrit court et livre, de ce fait, une lecture ininterrompue. Son roman ressemble à un long poème, porté par une écriture sobre et délicate, sombre et douloureuse. Un sens de l’épure éprouvant et déchirant, âpre et beau, distillé dans chaque phrase, sans rupture et avec une grâce singulière.
Quel que soit le sujet (toujours noir cependant), les textes de ce jeune auteur commotionnent. Pétris d’angoisse et de mal être, ils résistent à toute tentation de surenchère et atteignent simplement. Une force juste et intime. Sincère. Désormais repérée.
La puissance de ce récit  très introspectif réside sans doute dans l’adéquation remarquable entre l’histoire racontée et la forme et la tonalité qu’elle emprunte.
“Le monde défilait, loin de lui, sans lui, et il ne savait pas comment le rattraper.”
Un jeune homme (anonyme) est seul dans une maison près de la mer. Solenne, son amie l’a quitté. Ses parents ne l’ont jamais compris, distants et mal-aimants. Enfermé dans sa souffrance, dépossédé de toute estime de soi, à côté du monde qui avance sans lui, il est triste, a des intentions morbides.  Un être à la dérive. Un être complexe.
“Il n’avait jamais su reprendre forme […] Un visage sans visage.”
Etranger à tous, comme dédaigné, il semble n’avoir aucune existence, aucune consistance. Invisible, habité par le vide et les souvenirs de l’enfance ;  jamais rejoint par les autres. Douloureusement isolé.
La solitude du narrateur, le sentiment prégnant de ne pas avoir été aimé, l’immense détresse qui l’agite, le désespoir qui l’étreint, la sensibilité à fleur de peau qui le paralyse  se figent dans un paysage brumeux et incertain, presque hostile, semblent même se complaire dans ces lieux vagues et impersonnels ; perturbants, énigmatiques.
En déséquilibre aggravé, incapable  de communiquer, de devenir un être sociable, il s’enfonce dans la mélancolie. N’a pas trouvé sa place. Egaré. “Il voudrait mourir”. Et se retrouve à l’hôpital psychiatrique. “Des murs très hauts et circulaires […] Le blanc gagne.”
Dans chaque souvenir, chaque tentative d’action, l’image délabrée du narrateur surgit et fragilise le lecteur. Implacable, tel un étau, elle l’enserre à son tour, crée un malaise, désoriente, affecte.
L’écriture, concise et violente, par moments onirique,  s’empare des fêlures et de la confusion du jeune homme sans la moindre distance. Elles deviennent alors palpables et oppressantes.
Seule la brièveté du texte préserve la lecture du tourment et atténue (un peu) la douleur.

Cécile PELLERIN

Cette chronique a été précédemment publiée sur le site ActuaLitte.comhttps://www.actualitte.com/article/livres/un-funambule-le-mal-de-vivre-d-alexandre-seurat/87244