Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon.-Jack London -

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J'ai toujours ton cœur avec moi Soffía Bjarnadóttir Traducteur : Jean-Christophe SalaünZulmaISBN :  9782843047640144  pagesParution : 07/01/2016













Le 22 janvier 2016








Le temps d'une soirée, de quelques heures à peine,  prenez ce livre avec vous. Savourez chaque page avec lenteur (il y en a si peu !), laissez-vous conquérir par la beauté poétique des mots, des personnages et des paysages, sentez votre corps frémir,  votre cœur bouleversé battre intensément. Voilà, vous êtes heureux. Simplement.
Intense et bref, ce premier roman pénètre le lecteur avec une infinie douceur et sans faire de bruit, le conquiert par tous ses sens, avec naturel et discrétion. Très personnel et en même temps universel, il pénètre immédiatement le lecteur, le saisit de tous côtés par sa tonalité sensible et délicate, légèrement décalée et en même temps si juste et sincère. L'espoir semble pouvoir apaiser les épreuves douloureuses, la nature, omniprésente, balayer la noirceur de l'existence, maintenir en vie. Sur un fil ténu. Qui va résister. Une fois encore.
" Des bribes de souvenirs au goût de sel s'ordonnent dans ma tête et au même instant me revient l'hiver des lombrics […] cette envie de disparaître sans laisser de trace."
Hildur est archéologue, travaille en Finlande. A la mort de sa mère Siggy, elle retourne en Islande, dans la petite maison jaune située sur l'île de Flatay dans la baie de Breiðafjörður, "cette argile dont je suis issue." Là, toute imprégnée de l'image de sa mère, elle se remémore son enfance, ravive des souvenirs à la fois douloureux et éprouvants auprès d'une mère inatteignable et mal aimante car bipolaire.
"Ma maman qui jamais n'endossa le rôle de mère."
De ses peurs anciennes, de l'omniprésence de la mort qui l'accompagne depuis l'enfance, de son sentiment d'insécurité permanent et invalidant, de son excès de sensibilité, de ses accès mélancoliques et dépressifs profonds, la narratrice ne cache rien.  " Affaiblie par Siggy et le chaos en moi". Elle exprime toute sa fragilité et ses vacillements  en même temps qu'elle dévoile ceux de sa mère ; dépeint avec une belle mélancolie et des images insolites, graves et souriantes à la fois,  ce mal étrange qui les anime toutes les deux et qui brise parfois avec une violence aigue l'équilibre et la raison, couvre de honte et isole de tous, même (et surtout) de ceux qu'on aime.
"Une beauté distante qui fait vibrer le cœur".
Sans jamais s'appesantir sur la souffrance pourtant dévastatrice des deux femmes, tel un souffle léger, l'auteure effleure le lecteur sans brutalité, lui permet d'éprouver au plus près l'hyper-sensibilité et la vulnérabilité des deux personnages; presque en fusion avec les paysages maritimes islandais. Elle le lie à tout cela sans détours.
"La descente est abrupte, la roche s'effrite sous mes pas. Je dois prendre garde à ne pas m'égrainer et devenir sable."
Alors, empathique et protecteur,  à la fois porté par le vent et retenu par la boue, entre liberté et oppression, il est pleinement intégré à cette histoire, perçoit même l'imperceptible, comme en contact direct et immédiat. Sans la distance de l'écriture.
A  fleur de peau, la lecture se déroule, fluide et profonde, envahissante pour longtemps. Puissante et désarmante, elle semble d'origine, préservée par Jean-Christophe Salaün, son traducteur.


Cécile PELLERIN