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La petite reine de Kaboul : “une invitation à la fraternité et au bonheur partagé”Patrick Communal / Masomah Ali ZadaLes Editions de l’AtelierISBN :  9782708245730207  pagesParution : 28/06/2018













Le 21 juillet 2018








L’histoire de Masomah Ali Zada, jeune femme cycliste à Kaboul, d’abord révélée au public français par le reportage de Katia Clarens “Les petites reines de Kaboul” diffusé en 2016 sur Arte, se poursuit à travers le récit de Patrick Communal mais sous un angle nouveau et beaucoup plus large que l’exploit sportif et l’émancipation des femmes afghanes.
Avocat et militant auprès des demandeurs d’asile, l’auteur, passionné de vélo, raconte, comment après avoir vu le film de Katia Clarens, il entre en contact avec la jeune cycliste et devient progressivement (avec son fils), engagé dans une action humanitaire inattendue, impressionnante et bouleversante.
Loin de tout misérabilisme, extrêmement limpide et altruiste, le récit très concret, généreux et sobre, témoigne avec justesse des épreuves traversées par cette famille afghane et de la relation solidaire qui va se mettre en place avec l’écrivain et tout un réseau de gens ordinaires.
“C’est mauvais qu’une femme roule à vélo, notre société ira de pire en pire si les femmes font du vélo…”
Avec un agréable équilibre, l’histoire se fait d’abord l’écho de la vie en Afghanistan et des difficultés d’émancipation et de liberté qui pèsent sur la famille Ali Zad, d’appartenance hazara, une ethnie minoritaire souvent persécutée en Afghanistan comme en Iran. Les échappées en vélo sur des routes improbables à l’écart de Kaboul et sous le regard souvent hostile de la population, constituent pourtant pour Masomah et sa sœur, une échappatoire, un plaisir, leur combat pour une vie meilleure. Y renoncer est impossible.
Mais lorsque les menaces deviennent plus pressantes, lorsque la célébrité des deux sœurs attente à la sécurité de toute la famille, l’exil en France s’impose et Patrick Communal est alors le contact précieux dans lequel la famille entière va donner toute sa confiance.
Et c’est cet accompagnement que le lecteur suit, dans un deuxième temps, avec tous les obstacles administratifs et juridiques qu’un tel périple impose. L’obstination des uns et des autres puis la solidarité active qui se met en place dans un petit village breton, pourtant peu destiné à accueillir une famille afghane, laissent entendre que l’issue sera heureuse et l’intégration possible.
Enfin le regard que la jeune fille pose, en toute fin de récit, sur son périple et son arrivée en France constitue peut-être la partie la plus forte de l’ouvrage. Il place le lecteur de l’autre côté du miroir et c’est peu habituel.
“Ce qu’on donne aux autres est restitué de diverses façons. L’altruisme est un enrichissement personnel.”
D’une portée plus universelle que cette expérience personnelle, ce livre rend compte (et c’est essentiel) avec intensité et conviction des élans de fraternité et de l’engagement citoyen d’une partie de la population française, qui, discrète et anonyme, agit quotidiennement en faveur des migrants et supplée admirablement aux insuffisances de l’Etat. Il dit aussi, avec beaucoup de sensibilité, comment l’accueil bienveillant et l’attention que l’on porte à l’autre, enrichit personnellement et crée du bonheur. Profondément et durablement.
Aussi, même si l’histoire de Masomah Ali Zada a bénéficié d’une couverture médiatique importante et de soutiens politiques divers, même si elle n’est pas exactement représentative des millions de personnes menacés qui fuient leur pays dans des conditions indignes et souvent inhumaines, elle est un symbole. “Les réfugiés cessent d’être des migrants dès qu’ils ont une histoire à partager”. Aussi, sans hésiter, transmettez ce livre. A tous et partout. Une nécessité.

Cécile PELLERIN