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La vie parfaite : l’éducation sentimentaleSilvia Avallone Traducteur : Françoise BrunLiana LeviISBN :  9791034900169400  pagesParution : 05/04/2018













Le 20 juillet 2018








La vie parfaite a la même intensité que la saga romanesque d’Elena Ferrante. L’immersion est absolue, immédiate et offre un plaisir ardent si pénétrant, qu’on souhaite le partager et l’étendre aussitôt.
Ce livre regénère, donne de la force et de l’énergie. Brut et tendre, douloureux et attachant, tonique et à vif, il bouillonne de vie, d’amour et de passion. Bien réel. L’écriture sensitive, lumineuse et visuelle de Silvia Avallone (traduite par Françoise Brun) vibre de cris, de pleurs et de paroles hautes, mais laisse aussi entendre les émotions les plus intimes des personnages, effleure les failles, les blessures personnelles avec une sensibilité extrêmement juste et éblouissante.
C’est une histoire à respirer de page en page, où le lecteur est intrinsèquement incorporé, en résonance instantanée. Alors forcément, tel un voisin proche et impliqué, il ne sort pas indemne du récit, de ce voyage en Italie dont il aurait tant souhaité qu’il dure encore.
Aussi, hâtez-vous, l’évasion que procure ce roman vaut bien des départs estivaux. 400 pages sans escale ou presque. Voilà ! Vous êtes bien, si bien !
Adele a 18 ans et accouche seule à l’hôpital Maggiore, situé pas très loin de la cité des Lombriconi où elle réside à Bologne. Son amoureux l’a délaissée ; elle va abandonner l’enfant, “un morceau de sa vie”. Dans le centre-ville de Bologne, Dora, enseignante, rêve d’une maternité qui ne vient pas et son désir d’enfant vire à l’obsession. Autour de ces deux femmes, qui ne se connaissent pas mais autour desquelles gravitent des personnages secondaires tous liés entre eux (telle une ronde), se dessinent des existences fragiles où la ville de Bologne tient le premier rôle.
“Les fenêtres et les balcons ressemblaient à des cages d’où il fallait se pencher pour regarder, imaginer, la vie qu’on ne pouvait pas avoir.”
Il y a d’abord ce quartier populaire où vit Adèle, sa mère Rosaria et sa sœur jessica, Zeno, le voisin-ami et Manuel, le père du bébé à naître. Un ensemble de tours rouges et grises où “le vacarme explosait à toute heure du jour et de la nuit, à côté et en dessous.” Un quartier que chacun rêve de fuir pour ne pas sombrer et se libérer. “Ceux qui sont restés, soit ils se shootent, soit ils suivent des cours de zumba.”
A quelques kilomètres de là, Dora enseigne l’italien à Zeno, le brillant élève de banlieue. Mariée à Fabio depuis plusieurs années, elle désespère de devenir mère, se sent inutile et desséchée. Après plusieurs FIV, le couple envisage l’adoption.
Autour de ces deux héroïnes féminines, reliées entre elles par la maternité, des personnages secondaires et la ville de Bologne, défilent des bribes d’histoires intimes ordinaires et bouleversantes, révélatrices de notre époque contemporaine et de notre société inégalitaire. Le lecteur suit les personnages, tour à tour, se saisit de chaque histoire avec envie, éprouve leur douleur, leur volonté d’échapper à un destin déjà inscrit, s’imprègne de leurs luttes, de leur ténacité comme de leur désarroi.
“Des mots en connexion avec la réalité, des mots avec de la réalité dedans. Pas des mots vides.”
Extrêmement vrai à décrire l’ambiance de la banlieue, de l’hôpital, de la prison, précis à évoquer les sentiments des personnages, la maternité ; étincelant et poétique, âpre et en même temps chaleureux, le roman ne souffre d’aucune rupture, et s’il a des allures de roman social, il conserve une tonalité romanesque époustouflante, qui ne s’oublie pas et rend heureux.

Cécile PELLERIN
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