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Passage des ombresArnaldur Indridason Traducteur : Eric BouryMétailiéISBN :  9791022607759300  pagesParution : 03/05/2018













Le 04 août 2018








Dernier opus de la trilogie des Ombres, après Dans l'ombre et La femme de l'ombre, Passage des ombres est incontestablement le plus puissant des trois.
Sans doute, les deux policiers, héros récurrents des trois romans sont-ils désormais plus familiers au lecteur, sans doute aussi la période historique (la Seconde guerre mondiale) et le contexte particulier de la présence américaine sur le sol islandais happent sans réserve sa curiosité et son intérêt, mais, davantage encore que dans les précédents, c’est l’ambiance, teintée de mystère et d’une belle gravité, enveloppante et envoûtante, qui le scelle à sa lecture, sans relâche. Et passionnément.
Construit habilement autour de deux périodes, l’une historique et l’autre plus contemporaine, le roman se déploie selon un rythme agréable ; équilibre les tensions, livre des émotions. Attaché à révéler les personnages en profondeur, précis à décrire les deux époques, subtil à saisir les comportements humains les plus ambigus et à les mettre en scène sobrement, Arnaldur Indridason (fidèlement traduit par Eric Boury), apporte, une fois de plus, un regard socio-historique à une intrigue policière convaincante, éclairante et réjouissante.
A la fois dépendant et indépendant des deux tomes précédents, ce dernier volume offre un plaisir intégral et immédiat. Sans contrepartie. C’est juste talentueux !
Un vieil homme est retrouvé mort à son domicile. Il semble avoir été étouffé. L’inspecteur Konrad, bien qu’en retraite, s’immisce dans l’affaire suivie par Marta, une ancienne collègue de la Criminelle avec qui il a gardé de bonnes relations. En effet, cette mort suspecte l’intrigue car elle renvoie à une histoire plus ancienne, le meurtre d’une jeune femme, soixante ans plus tôt, dans laquelle son propre père joua indirectement un rôle.
En 1944, à Reykjavik, la présence militaire américaine n’est pas acceptée par tous les habitants. Beaucoup de jeunes femmes islandaises espèrent un meilleur avenir avec ces soldats venus d’ailleurs mais le plus souvent, elles sont les victimes malheureuses de la “situation”. Et lorsqu’une jeune couturière est retrouvée morte étranglée à l’arrière du Théâtre national, les soupçons se portent rapidement sur un soldat américain. Entrent alors en scène les deux personnages emblématiques de la trilogie, Flovent, de la police islandaise et son collègue, Thorson, membre de la police militaire américaine.
“Les deux hommes s’entendaient bien et s’efforçaient de résoudre les enquêtes en évitant de compliquer les choses par excès de paperasserieou de retarder leur cours en passant par les voies officielles qui prenaient beaucoup plus de temps.”
Une investigation complice et efficace, finement menée et tout en nuances, sur fond de légende populaire et d’occupation militaire, entremêlée de tragédies intimes où chaque personnage, vibrant et dense, quasi-réel, captive et retient.
Quant à l’atmosphère, proche de l’univers cinématographique d’un film noir américain, intensément visuelle, assez fascinante (et très personnelle à l’auteur), elle libère le lecteur de toute emprise avec la réalité qui l’environne et garantit une évasion durable. Une valeur sûre.

Cécile PELLERIN
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